SRL : faculté de démission ou d'exclusion - Pourquoi s'être arrêté au milieu du gué ?

Publié le 09 juillet 2019

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Le législateur du Code des sociétés et des associations (« CSA ») a permis d’introduire dans les statuts d’une SRL une faculté de démission et/ou d’exclusion d’un actionnaire, et/ou des clauses de démission présumée dans des hypothèses telles que le décès, la faillite, ou encore la perte des qualités requises pour être actionnaire. Toutefois, il n’a pas facilité l’entrée de nouveaux actionnaires dans la SRL, et plus généralement n’a pas tiré toutes les conséquences de la variabilité de l’actionnariat. Ces aspects sont pourtant essentiels pour faciliter le glissement de la société coopérative à responsabilité limitée vers la SRL voulu par le législateur.


Principe

Les articles 5:154 à 5:156 du CSA disposent que la SRL peut introduire dans ses statuts une faculté de démission et/ou d’exclusion d’un actionnaire et/ou des clauses de démission présumée dans des hypothèses telles que le décès, la faillite ou encore la perte de la ou des qualités requises pour être actionnaire.

Ces dispositions visent à offrir, dans la SRL, une alternative aux actionnaires qui utilisaient traditionnellement la société coopérative à responsabilité limitée en raison de la variabilité de son capital et de sa souplesse ; les travaux préparatoires du CSA visent spécialement les sociétés professionnelles (avocats, reviseurs, experts comptables, architectes, consultants, …).

Le régime ainsi créé, qui permet de choisir les clauses « à la carte », va cependant bien au-delà de cette simple alternative, et offre de nombreuses possibilités, par exemple pour des structures d’investissement ou familiales.

Le système mis en place ne permet cependant pas entièrement de créer un « level playing field » avec le régime que connaissaient les associés d’une société coopérative à responsabilité limitée.

Pas de facilité « à l’entrée »

Le législateur a organisé la « sortie » de l’actionnaire d’une manière assez complète et dans l’ensemble satisfaisante.

Le législateur a par contre visiblement eu en tête un modèle de SRL assez fermée, et a en conséquence considéré que les dispositions « ordinaires » de la SRL suffisaient pour régir l’entrée de ceux-ci dans la société, quitte à ce que cela implique d’obtenir la renonciation unanime des associés pour chaque opération.

Cette façon de procéder est assez inadéquate, particulièrement dans une SRL à l’actionnariat variable dont la composition serait plus ouverte :

  1. L’assemblée générale est compétente pour accepter l’entrée de nouveaux actionnaires, mais doit disposer d’un rapport de l’organe d’administration et du commissaire, sauf renonciation à l’unanimité : ce rapport, qui doit justifier les conditions de l’émission des actions à attribuer aux nouveaux actionnaires, n’a pas de sens dans une société où les souscriptions se font à une valeur conventionnelle qui n’est généralement pas celle du marché.
  2. L’assemblée générale peut certes déléguer son pouvoir à l’organe d’administration, mais pas structurellement, et seulement pour une période de cinq ans, selon des principes similaires à ceux bien connus pour le capital autorisé dans la société anonyme.
  3. L’assemblée générale ou l’organe d’administration doivent justifier la dérogation au droit de préférence, ce qui n’a pas de sens pour une société à l’actionnariat variable.
  4. Enfin, un acte notarié doit être établi annuellement pour acter les entrées et sorties, ce qui ne se justifie pas davantage.

Problématiques diverses

  1. Les fondateurs ne peuvent pas démissionner avant la fin du deuxième exercice social (CSA, art. 5:154, §1er, al.2, 1°) : pourquoi ne pas pouvoir tirer les conséquences d’une mésentente, ou d’autres difficultés éventuelles, avant ce terme ?
  2. L’assemblée générale dispose d’une compétence exclusive pour l’exclusion (CSA, art. 5:155, §1er, al.2) : ceci est inadéquat dans une structure à l’actionnariat plus large, qui demande plus de souplesse dans le mode de décision.
  3. Contrairement à ce qui est prévu pour la société coopérative (CSA, art. 14:8, §5), aucune faculté impérative de démission n’est prévue en cas de transformation ou de restructuration emportant une transformation de la société.
  4. De même, les dispositions relatives au règlement d’ordre intérieur n’ont pas été assouplies comme c’est le cas pour la société coopérative (CSA, art. 6:69, §2).
  5. Enfin, il aurait été utile que le législateur précise les conditions (quorum, majorité, …) de l’introduction de clauses de démission ou d’exclusion dans les statuts d’une SRL « ordinaire ».

On ne peut que souhaiter qu’il soit procédé rapidement à certains ajustements législatifs sur ces points.

* Pour une analyse plus détaillée : T. TILQUIN, « La démission et l’exclusion : ébauche d’une SRL à capitaux propres variables », in La société à responsabilité limitée, Jeune Barreau, Larcier, 2019, p. 245 et s.

Pour davantage d’informations, n’hésitez pas à contacter Thierry Tilquin, Thérèse Loffet et Maïka Bernaerts


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